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par | 1 mars 2025

Grève des agriculteurs : quelles solutions économiques face à la grogne du monde paysan ?

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Alors que la 61ème édition du Salon de l’Agriculture 2025 prend fin ce dimanche, les problématiques rencontrées par la filière agricole semblent quant à elles perdurer.

Manifestations, autoroutes bloquées, radars routiers bâchés, panneaux de signalisation retournés… Depuis début 2024, les agriculteurs se mobilisent dans tout le pays pour exprimer leur mécontentement.

Mais quelles sont les causes profondes de ces protestations ? Quelles sont les revendications portées par les représentants syndicaux ? Et quelles solutions économiques peuvent être déployées pour apaiser la colère agricole et soutenir ce secteur essentiel à l’économie nationale ?

Retour sur les origines de la mobilisation et sur les réponses envisageables.

Pourquoi les agriculteurs se sont-ils mis en grève ?

Les mouvements de grève des agriculteurs résultent d’une crise systémique et de longue date qui touche le secteur agricole français et européen.

Bien que chaque filière agricole rencontre des problématiques spécifiques et exprime des griefs qui lui sont propres, plusieurs préoccupations majeures sont partagées par l’ensemble de la profession.

Selon les résultats d’une enquête menée par le Collectif Nourrir et Terra Nova, les principales sources d’inquiétude des exploitants agricoles sont :

  • Le contexte économique et le manque de revenus agricoles qui en découle pour 52 % des sondés (la hausse des coûts, des charges et des prix d’achat ; l’instabilité des marchés ; des prix de vente trop bas ; des gains insuffisants…) ;
  • Les contraintes et conséquences des politiques publiques pour 35 % des répondants (les lois et normes encadrant les pratiques ; les contraintes administratives qui en découlent ; les contrôles excessifs ; la PAC ; l’interdiction et la réduction de l’usage des produits phytosanitaires et des produits de traitements ; la concurrence déloyale…) ;
  • Le contexte environnemental pour 25 % des sondés (le dérèglement climatique et ses conséquences ; les sécheresses ; les inondations ; la vulnérabilité environnementale ; les problèmes sanitaires…) ;
  • Le manque de considération pour 19 % des agriculteurs (déconnexion des choix politiques ; mauvaise image de la profession pourtant utile à la société ; injonctions des écologistes qui ne connaissent pas le métier…).

Sont également pointés du doigt par les répondants : le manque de perspectives d’avenir, les conditions de travail pénibles et précaires, le manque d’accès aux ressources…

Des revenus insuffisants, volatils et disparates

La première cause d’insatisfaction des agriculteurs est la précarité économique qui touche beaucoup de ces travailleurs.

En effet, selon les chiffres rapportés par le Ministère de l’Agriculture, le revenu net de la branche agricole (RNBA) a baissé de près de 40 % en l’espace de 30 ans en France, en euros constants. Le nombre d’exploitations agricoles a quant à lui diminué de 60 %.

En outre, l’Insee et Agreste, le service statistique du ministère de l’agriculture, ont récemment mis en lumière les inégalités criantes qui touchent la profession, comme le révèle cet article du journal Le Monde. D’après ces organismes, le revenu annuel médian des ménages agricoles était estimé, en 2024, à 22 800 €, soit 1 900 € net par mois.

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Si ce salaire médian est comparable à celui de la population française (estimé à 22 400 € annuels), la branche agricole se distingue sur ce point : les 10 % des ménages agricoles les plus pauvres perçoivent moins de 10 900 € / an, soit moins que les 10 % des ménages français les plus pauvres. À l’inverse, les 10 % des plus riches gagnent plus de 44 600 € / an, ce qui est supérieur à la même tranche de la population.

En 2020, près d’1 ménage agricole sur 6 (16%) vivait sous le seuil de pauvreté monétaire (Source : Insee).

Le secteur agricole a également connu une forte hausse de faillites d’entreprises ces dernières années. Le nombre de fermes, en plein déclin, a ainsi baissé de 2,3 % par an entre 2010 et 2020 (de 400 000 à 389 000). En 2023, plus de 3 500 exploitations agricoles ont cessé leur activité.

Enfin, on estime que seul un tiers des ressources des ménages agricoles provient de l’activité issue de l’agriculture. La plus grande partie des revenus du foyer serait en réalité issue d’autres activités, et principalement du salaire du conjoint (Source : Vie-Publique.fr).

Cette situation de précarité ne fait que s’aggraver au fil des ans avec :

  • La flambée des coûts de production (énergie, engrais, carburant…) ;
  • L’inflation ;
  • La hausse progressive de la taxe sur le gazole non routier (GNR), de 3 centimes par an jusqu’à 2030 ;
  • Les prix de vente trop faibles imposés par la grande distribution, qui ne permettent pas aux agriculteurs de générer des marges suffisantes face aux charges grandissantes ;
  • Les aléas environnementaux et sanitaires ;
  • La concurrence internationale avec des importations à bas coût ;
  • Le manque de main-d’œuvre, avec des difficultés de recrutement et des conditions de travail jugées trop exigeantes, qui compliquent l’attraction de nouveaux travailleurs.

À cette instabilité économique s’ajoutent des conditions de travail souvent éprouvantes : position prolongée debout ; manutention de charges lourdes ; exposition à des bruits intenses, des fumées et poussières ; contact avec des produits dangereux…

De plus, la durée habituelle hebdomadaire de travail d’un agriculteur est de 55 heures en moyenne, contre 37 heures pour l’ensemble des personnes en emploi. 86,7 % des agriculteurs déclarent travailler plus de 40 heures par semaine et 76 % ne bénéficient pas de repos de 48 h consécutives car ils travaillent les samedis et / ou les dimanches (Source : Insee). Nous sommes donc bien loin de la semaine de 4 jours pour le monde agricole.

Si l’on aligne donc le revenu médian net mensuel et le nombre d’heures de travail par semaine d’un agriculteur français, on tombe à un “salaire” net horaire au taux de 8,65€/ heure effective (le calcul : 1900€ par mois / 4 semaines / 55 heures).

À titre de comparaison, le SMIC net français au 1er janvier 2025 est de 1426€ par mois, soit un taux horaire de 11,88€/heure.

Une concurrence internationale déloyale : l’accord MERCOSUR

Les agriculteurs français dénoncent également une compétition accrue avec des acteurs internationaux, qu’ils qualifient de concurrence déloyale. En effet, beaucoup de produits sont importés, à bas prix, depuis des pays où les réglementations environnementales, sociales et sanitaires sont bien moins strictes, voire non régulées, aux dépens des fermes locales qui doivent rivaliser avec des prix très inférieurs, au risque de rogner encore plus leur marge déjà faible.

Les accords de libre-échange internationaux suscitent ainsi une vive opposition du monde paysan. Le MERCOSUR (Mercado Comun del Sur) un accord commercial signé le 6 décembre 2024 entre l’UE et quatre pays d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) est particulièrement critiqué par les professionnels de l’agriculture. Ce traité autorise en effet l’importation massive de produits agricoles, non conformes aux normes françaises et européennes, dans des pays où les coûts de production sont bien inférieurs. Il prévoit également d’éliminer la quasi-totalité (plus de 90 %) des droits de douane imposés jusqu’alors, ce qui contribuera d’autant plus à tirer les prix vers le bas.

Cette réalité touche notamment des produits à forte valeur ajoutée pour les agriculteurs comme la viande de bœuf ou les volailles :

  • En 2023, l’UE a importé 195.000 téc (tonnes équivalent-carcasses) en provenance du MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay- Source : Pleinchamp)
  • Selon l’Institut de l’élevage, 3/4 de la viande bovine non transformée importée en UE l’a été à droit de douanes réduit.
  • En 2020, la production française de bovins est estimée à 18 millions de bœufs et est en baisse depuis quelques années.
  • Prix compétitifs, production supérieure, droits de douanes réduits : comment valoriser la production bovine française face au Mercosur ?

Des normes trop contraignantes

Une autre doléance exprimée par le monde agricole est la lourdeur des exigences réglementaires imposées par les politiques publiques françaises et européennes.

2ème secteur le plus émetteur de CO2 en France (19 % des émissions en 2022, avec 130,5 Mt CO2), après les transports (Source : Ministère de la Transition écologique), l’agriculture est en effet encadrée par de nombreuses réglementations et normes environnementales destinées à accélérer la transition écologique.

Dans le cadre du Pacte vert européen (Green Deal), plusieurs objectifs ont été fixés pour ce secteur, tels que : la réduction de 50 % des pesticides d’ici 2030 ; la baisse de 20 % de l’usage des engrais ; l’atteinte de 25 % des terres cultivées en agriculture biologique d’ici 2030…

Les agriculteurs dénoncent notamment la lourdeur des démarches nécessaires pour obtenir des aides et subventions de la Politique Agricole Commune (PAC) afin d’atteindre les objectifs fixés, ainsi que la complexité à se conformer aux exigences environnementales de plus en plus strictes suite à la dernière réforme de la PAC 2023-2027.

Si ces dispositifs répondent à des impératifs climatiques, ils génèrent, pour les professionnels du secteur, une surcharge administrative conséquente et des contrôles fréquents qui alourdissent considérablement leur quotidien et induisent des coûts supplémentaires.

L’impact du changement climatique sur le monde agricole

Les exploitants agricoles subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique : fortes précipitations, inondations dévastatrices, sécheresses prolongées, vagues de chaleur et épisodes de gel tardifs perturbent de plus en plus les récoltes et affectent la santé du bétail. Les cultures sont plus difficiles à entretenir et les terres deviennent moins fertiles, voire inexploitables en raison de l’érosion des sols et du manque d’eau.

Face à ces aléas environnementaux, les agriculteurs doivent également réaliser des investissements supplémentaires (dans des systèmes d’irrigation performants, par exemple), qui augmentent encore plus leurs coûts de production. En outre, le réchauffement climatique s’accompagne de nombreux problèmes sanitaires pour les professionnels de la filière agricole, avec une hausse des maladies et des ravageurs, qui nécessitent des traitements coûteux.

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Conséquence : une baisse des rendements, qui exacerbe encore plus une précarité déjà marquée. Sans soutien financier et politique adéquat, les agriculteurs peinent à faire front.

Quelles sont les revendications des agriculteurs ?

Pour adresser ces défis, les deux principaux syndicats agricoles, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et Jeunes Agriculteurs ont adressé une liste de 120 revendications au gouvernement, organisées autour de trois axes prioritaires :

  1. le sentiment de dénigrement de la profession
  2. la question de la rémunération
  3. l’accumulation des normes.

Voici un aperçu de quelques-unes des revendications phares :

  • Le respect absolu des lois EGalim (votées en 2018 et 2023) visant, entre autres, à garantir aux agriculteurs un revenu décent, à leur permettre de couvrir leurs coûts de revient et à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ;
  • Le versement immédiat de toutes les aides européennes PAC et des indemnisations sanitaires et climatiques prévues face aux récents sinistres (grippe aviaires, MHE, tuberculose bovine, inondations…) et dues par l’État ;
  • Un allègement des normes environnementales : les syndicats réclament la mise en place d’un « chantier de réduction » des normes (principalement environnementales), dont l’accumulation « remet en question en permanence les moyens de production et interroge la volonté des dirigeants d’avoir une réelle réflexion sur la souveraineté alimentaire du pays et du continent », expliquent les deux syndicats dans un récent communiqué.
  • Le rejet intégral et immédiat de toutes les surtranspositions réglementaires jugées excessives, telles que le Plan Eau de juin 2021 ; les ZNT (Zones de Non-Traitement), les obligations de curage des cours d’eau… ;
  • La suppression des incohérences du Pacte Vert et de la planification écologique, qui imposerait selon eux des contraintes excessives sans prise en compte de la réalité du terrain ;
  • La mise en place rapide du pacte RGA, pour le renouvellement des générations dans l’agriculture afin de favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs et d’assurer la relève de la profession ;

En filigrane, les professionnels du monde agricole dénoncent la fragilisation de la souveraineté alimentaire nationale, mise en danger selon eux par les accords de libre-échange internationaux, la pression économique exercée par la grande distribution et le manque d’accompagnement dans la transition écologique.

Quelle est la réponse du gouvernement face à ces revendications ?

Pour répondre à ces revendications, le gouvernement a formulé 70 engagements, dont certains ont déjà été déployés, tels que l’annulation de la hausse de la taxe sur le gazole routier en janvier 2024 afin de réduire les charges financières des exploitants agricoles, ainsi que la mise en place d’un dispositif de prêts structurels de long terme à destination des agriculteurs en difficulté.

L’État s’est également engagé à assurer le strict respect des lois EGalim, à simplifier les démarches administratives et à réduire les normes ainsi que le nombre de contrôles sur une même exploitation. Des efforts ont aussi été entrepris pour opérer le versement accéléré des aides de la PAC et des indemnisations. Enfin, le gouvernement a exprimé des réserves quant à la signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur.

Malgré tout, de nombreux acteurs du secteur agricole considèrent ces mesures comme insuffisantes. Ces derniers déclarent en effet éprouver un sentiment collectif d’abandon de la part des pouvoirs publics, une profonde injustice, et un manque criant de reconnaissance et de considération pour leur métier.

Grève des agriculteurs : enjeux et causes profondes

Au-delà des revendications liées au contexte économique et environnemental, cette vague de contestations lève le voile sur la fragilité structurelle du modèle agricole français, marquée par des rémunérations insuffisantes, des conditions de travail précaires et un profond manque de reconnaissance. Un constat déroutant alors que, rappelons-le, la France s’impose comme première puissance agricole européenne avec une production agricole estimée à 81,6 milliards d’euros en 2021, soit 17 % de la production totale de l’Europe – Source : Vie-publique.fr.

Les problématiques dénoncées par les agriculteurs (accords de libre-échange, variations climatiques, complexité des normes environnementales, lourdeur administrative…) semblent finalement toutes découler d’une même faille systémique : l’insuffisance et la volatilité des revenus, perpétuellement exposés aux fluctuations des marchés et aux caprices du climat.

Derrière le rejet des changements réglementaires, environnementaux et commerciaux, on peut finalement lire la crainte d’une pression économique supplémentaire sur des exploitations déjà fragiles.

Ainsi, la colère agricole ne traduit pas un refus de s’adapter aux changements du marché, mais bien une détresse économique profonde. Tant que cette question centrale de la rémunération décente des exploitants agricoles et de la viabilité des exploitations ne sera pas pleinement adressée, les tensions risquent de perdurer, indépendamment des ajustements fragmentaires apportés par le gouvernement sur les normes ou sur le commerce international.

La Loi SES : une piste de solution face à la colère du monde agricole ?

Face à ce constat, le projet de loi SES (Sécurité Économique et Sociale) constitue une réponse novatrice, efficace et durable pour garantir des revenus plus stables aux agriculteurs, tout en renforçant la souveraineté alimentaire de la France.

La Sécurité économique et sociale repose en effet sur un principe de redistribution équitable des richesses : une partie des gains générés par les entreprises sera prélevée et mise hors marché, avant d’être redistribuée équitablement à l’ensemble des acteurs économiques du secteur privé, qu’il s’agisse de grandes entreprises, de TPE, de PME, ou de travailleurs indépendants, tous secteurs confondus. En savoir plus sur le financement de cette allocation emploi.

Ce dispositif prendra la forme d’une allocation mensuelle fixe, attribuée pour chaque emploi en équivalent temps plein. Son financement a donc vocation à être assuré directement par les entreprises, en fonction d’un pourcentage défini au prorata des flux de trésorerie issus de leur activité.

Garantir des revenus justes et équitables à tous les agriculteurs

En instaurant ainsi une allocation emploi universelle et en mutualisant une partie de la production de la richesse, la SES permettra de garantir un revenu minimum stable à chaque agriculteur, quelle que soit la nature de son activité.

L’exploitant pourra ainsi compter, en tout temps, sur ce socle de revenus pour faire face aux aléas inhérents à sa profession : une sécheresse, des inondations, des crises sanitaires, des prix tirés à la baisse par les fluctuations du commerce international…

Cette allocation l’aidera à absorber une partie de ces chocs, réduisant, de facto, la précarité du monde agricole et renforçant la capacité des exploitants à faire face aux changements environnementaux, économiques et commerciaux.

Ce dispositif permettra également de réduire les disparités saillantes au sein même de la branche agricole, grâce à une répartition juste et équitable des ressources.

Renforcer la résilience des agriculteurs face aux aléas climatiques

D’après un rapport du CGAAER (Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux), le coût du changement climatique pour l’agriculture et l’agroalimentaire s’élèvera, d’ici 2050, à :

  • 1 milliard d’€ / an pour les surcoûts liés à l’eau ;
  • 1 milliard d’€/ an pour les surcoûts liés à l’augmentation des aléas climatiques ;
  • 2 millions d’€ pour les surcoûts de mise au point de diagnostics climat ;
  • 190 millions d’€ / an pour le conseil ;
  • 600 millions d’€ / an pour renouveler chaque année 10 % du verger français.

En agriculture, des pertes de récolte de 7,4 % pour le blé et de 9,5 % pour l’orge sont attendues en 2025. En 2019, plus de 70 000 contrats d’assurance multirisque climatique des récoltes ont été souscrits : c’est ⅓ de la surface agricole française hors prairie (Ministère de l’Agriculture). Le subventionnement a également augmenté et est passé de 62% en 2022 à 70% en 2023 mais la proposition de loi SES permettrait d’assurer des investissements long terme pour lutter contre les pertes de récoltes des exploitations agricoles plutôt qu’une aide ponctuelle.

Pour minimiser l’impact du dérèglement climatique sur leur activité, les agriculteurs doivent réaliser une série d’investissements (systèmes d’irrigation, serres, haies brise-vent, équipements plus performants…), et se former à des techniques agricoles plus résilientes (agroécologie, stockage de l’eau, diversification des cultures…). Un défi de taille pour les exploitations déjà fragilisées par la volatilité des revenus, l’augmentation des coûts de production et les contraintes réglementaires croissantes.

À cet égard, la Sécurité Économique et Sociale (SES) va faciliter les investissements agricoles grâce à une contribution financière basée sur les flux de trésorerie. Elle fonctionne en effet comme une contribution sur les encaissements mais aussi comme une aide sur les dépenses.

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Par exemple, un agriculteur achetant un nouveau système d’irrigation à 50 000 € HT avec un taux de contribution de 30 % pourra déduire ce montant de sa déclaration de flux de trésorerie, ce qui équivaut à une aide automatique de 15 000 € (50 000 × 30 %). Il ne financera donc que 35 000 €, réduisant ainsi son endettement bancaire.

Grâce à ce système innovant, qui repose sur une solidarité entre entreprises, les charges des exploitants seront allégées et les investissements facilités, favorisant une agriculture plus résistante et mieux équipée pour affronter les variations météorologiques.

Améliorer l’attractivité de la filière agricole

Selon l’Agreste, le secteur agricole comptait 673 640 emplois en équivalent temps plein en 2021. Cela représente environ 70 000 emplois de moins qu’en 2010, et quatre fois moins qu’en 1970. La part des agriculteurs dans la population active est par ailleurs passée de 7 % à 1,5 % en l’espace de 40 ans, selon les chiffres rapportés par l’Institut Montaigne.

L’agriculture souffre en effet, depuis de longues années, d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et d’un manque d’attractivité qui s’explique notamment par des revenus faibles et disparates, des conditions de travail pénibles et une difficulté d’accès au foncier, qui freine les installations de la profession.

En outre, un agriculteur français est en moyenne âgé de 52 ans (un quart a plus de 65 ans et un sur deux a plus de 50 ans). Compte tenu du vieillissement de la population agricole, on estime que, d’ici à 2030, plus de la moitié des exploitants devrait partir à la retraite.

En revalorisant les bas salaires, le dispositif SES permettra d’améliorer l’attractivité des métiers agricoles les plus précaires. Les exploitations pourront ainsi recruter plus facilement et assurer la pérennité de leur activité.

Favoriser le bien-être des agriculteurs

Journées de travail à rallonge, surmenage, épuisement, incertitude financière, isolement social… Beaucoup d’exploitants agricoles français, soumis à une pression insoutenable et à des conditions de travail éprouvantes, souffrent d’une profonde détresse psychologique. Selon les dernières données recensées par la MSA (Mutualité sociale agricole) en 2021, 529 agriculteurs affiliés se sont donné la mort en 2016, ce qui correspond à plus d’un suicide par jour : un taux 31 % supérieur à celui du reste de la population.

Ces chiffres alarmants soulignent l’urgence à repenser l’accompagnement social et économique des exploitants et la nécessité de leur offrir des solutions viables et durables pour stabiliser leurs revenus, améliorer leurs conditions de vie et alléger leur charge de travail.

Grâce à l’allocation de la Sécurité Économique et Sociale (SES), les agriculteurs pourront embaucher plus facilement du personnel pour les aider dans la gestion de leur activité, allégeant ainsi leur charge de travail au quotidien. Cela pourra leur permettre de retrouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, de réduire l’épuisement professionnel et de retrouver des conditions de travail dignes et soutenables.

Un complément aux subventions et aux aides ponctuelles

Comme mentionné en début d’article, l’accès aux aides publiques (comme la PAC) est souvent jugé trop complexe et fastidieux, avec des démarches administratives lourdes et de versements souvent tardifs qui fragilisent la trésorerie des exploitants.

L’allocation proposée par la SES, versée automatiquement et sans conditions, sur la base de l’auto-déclaration, offre un fonctionnement simple et accessible, sans formalités administratives complexes. Elle permettra ainsi de réduire la dépendance des agriculteurs envers les subventions publiques et de renforcer leur autonomie financière de façon pérenne.

Un levier au service de la souveraineté alimentaire de la France

La SES, qui vise à garantir des revenus plus stables et à mieux répartir la richesse générée par l’économie, pourra également réduire la dépendance du secteur agricole aux fluctuations des marchés mondiaux et aux accords commerciaux. En soutenant ainsi la production locale, ce dispositif va renforcer la souveraineté alimentaire de la France et tendre vers un modèle agricole plus autonome, durable et résilient, capable de répondre aux besoins nationaux sans être soumis aux pressions de la grande distribution ou à une concurrence internationale déloyale.

On peut également espérer que ce dispositif, porté par des valeurs d’équité, de transparence et de justice sociale, inspire un dialogue constructif et plus apaisé entre les pouvoirs publics et les représentants syndicaux agricoles. En instaurant ainsi un climat de confiance, la SES pourra dissiper les tensions persistantes, faciliter la mise en place de réformes structurelles durables en faveur du secteur et, in fine, redonner ses lettres de noblesse à la filière agricole.

Photo de Randy Fath sur Unsplash

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