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par | 18 mars 2024

Aide à l’embauche des apprentis : généraliser l’efficacité de l’aide à l’apprentissage

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Le nombre d’apprentis et de contrats en alternance à plus que doublé en six ans depuis la mise en place d’une solide aide financière pour les employeurs. Pourquoi ne pas généraliser le principe pour tous les emplois ?

À fin août 2023, la Dares, direction des statistiques du Ministère du Travail, recensait 853.500 apprentis en France, en hausse de 8,8 % par rapport à fin août 2022 et en quasi triplement depuis 2017, date jusqu’à laquelle chaque année, la France plafonnait peu ou prou à 300 000 entrées annuelles en apprentissage. Depuis son élection, Emmanuel Macron avait fait de l’emploi son cheval de bataille et en particulier de l’emploi des jeunes avec pour ambition la réhabilitation de l’apprentissage et de leur immersion professionnelle pour se former autant en entreprise qu’à l’école. En 2019, le nombre d’apprentis a grimpé de plus de 50 000. Mais c’est à partir de 2020 que l’apprentissage a réellement décollé : 526 000 en 2020, puis 732 000 en 2021, puis 800 000 à fin 2022. Le décollage à partir de 2020 a pour principale origine la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel votée en 2018.

Les aides financières à l’embauche des apprentis ont boosté l’apprentissage

Cette loi a renforcé l’attractivité de l’apprentissage ou plus exactement de l’alternance, qui englobe l’apprentissage et le contrat de professionnalisation. L’âge limite pour y accéder a été relevé à 29 ans et le marché a aussi été ouvert à tous les organismes de formation. Mais surtout, la loi a revalorisé le salaire des bénéficiaires et créé une aide financière unique pour les entreprises de moins de 250 salariés qui signent un contrat en alternance avec un jeune. Au départ, l’aide de l’État était plafonnée à 4 125 euros la première année, puis 2 000 euros la deuxième année et 1 200 euros la troisième année. L’aide était la même pour les entreprises de 250 salariés et plus, mais conditionnée à atteindre un ratio minimum d’alternants dans l’effectif global. En 2020, l’aide maximum forfaitaire accordée aux employeurs a été montée à 5 000 € pour les alternants de moins de 18 ans et à 8 000 € pour les alternants majeurs.

Un impact direct sur les chiffres de l’alternance

Sans surprise, les chiffres de l’alternance ont décollé et bien plus pour les jeunes majeurs dont l’aide était plus intéressante que pour les moins de 18 ans. Pour 2023, le gouvernement a ramené l’aide à 6000 €, un montant unique quel que soit l’âge de la personne embauchée. La dynamique de progression s’est poursuivie, mais à un rythme un peu moins fort. Et cette aide a été prolongée en 2024 malgré le rapport 2022 de la Cour des Comptes : « cette envolée au-delà de toutes les prévisions a contribué à l’augmentation du taux d’emploi et d’activité des jeunes » tout en soulignant que cette envolée avait parallèlement gravement creusé les dépenses de France Compétences, le bras armé de l’État en matière de formation.

De ce dispositif voté en 2018 pour booster l’apprentissage et les contrats en alternance, on peut tirer plusieurs leçons à commencer par ce qui peut paraître une évidence :

  1. Les aides financières sont incitatives pour les employeurs.
  2. Plus les aides sont élevées, plus elles produisent d’effets, moins elles sont fortes et moins elles sont incitatives.
  3. Si l’employeur est aidé, il peut proposer des rémunérations attractives, ce qui est motivant et encourage aussi les candidats à postuler.
  4. La prise en charge de ces aides par l’Etat (ou ses bras armés) creuse ses déficits sauf à accroître les impôts au risque de gripper l’activité économique ou la consommation des ménages.

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L’emploi en France, une dynamique fragile

Transposons maintenant à l’ensemble du marché de l’emploi. Malgré des déclarations très volontaristes en 2017 pour enfin décrisper et relancer le marché de l’emploi fortement et durablement, Emmanuel Macron a certes obtenu des résultats avec un taux de chômage qui est descendu de 9,4% en 2017 à 7,5% aujourd’hui, mais pour une bonne part en soutenant fortement l’apprentissage, et d’autre part en misant sur la croissance économique au prix d’allégements de prélèvements conséquents pour les entreprises (impôts et cotisations sociales sur les salariés au Smic).

Résultat : depuis 2022 et la guerre en Ukraine qui a entraîné une hausse des prix de l’énergie, l’inflation et les crispations géopolitiques qui gèlent les échanges économiques mondiaux, la croissance patine et le taux de chômage ne baisse plus.

Pis : les nuages qui s’amoncellent sur l’économie pour les mois qui viennent laisse augurer d’une possible remontée du chômage.

Alors ? Le chômage est-il condamné en France à être au-dessus de celui de ses voisins ? Est-on condamné à attendre toujours plus de croissance et de PIB pour relancer l’emploi ? Comment résoudre ce paradoxe d’une situation où d’un côté, les employeurs ne parviennent pas à recruter et de l’autre, 2 200 000 personnes sont comptabilisées comme chômeurs ? Fatalité ? L’association ALSES répond non, ce n’est pas une fatalité. Il suffit pour cela de s’inspirer des dispositifs qui marchent comme par exemple celui de l’aide à l’embauche des apprentis.

De fait, si le mécanisme des aides financières fonctionne pour l’apprentissage, pourquoi ne fonctionnerait-il pas pour tous les emplois ? Secundo, pourquoi cibler des aides sur tel ou tel public avec systématiquement des injustices consécutives aux effets de seuil et autres effets d’aubaine ? En témoigne l’exemple récent des déclarations du premier ministre souhaitant « désmicardiser » la France. De fait, en 10 ans, le nombre de personnes payées au Smic a doublé en France. Rien d’étonnant : pour chaque emploi au Smic, les employeurs ne paient aucune cotisation sociale et a contrario, dès la première augmentation de 100€ nets pour le salarié, l’employeur paie 483 euros supplémentaires. Si on veut encourager les salaires, n’est-il pas plus logique de lisser les cotisations sociales à un même niveau pour tout le monde ? Tertio : est-on obligé de s’en remettre à l’espérance de croissance comme les indiens attendaient la pluie pour relancer la dynamique de l’emploi ? Ne constate-t-on pas justement que pour l’alternance, les entrées en apprentissage restent toujours aussi dynamiques malgré l’inflation et les prix de l’énergie ? Ne voit-on pas que précisément, la principale variable qui fait monter les entrées en apprentissage depuis la loi de 2018, c’est moins le taux de croissance que le niveau de l’aide accordée aux employeurs ?

Moins d’État, plus de mutualisation

Bref, si on veut relancer le marché de l’emploi sans être tributaire du niveau de croissance, il faut juste se demander comment transposer à tout le marché de l’emploi ce qui marche bien pour l’alternance en général et l’apprentissage en particulier. Bien entendu, le premier réflexe de toute personne sensée sera de répondre : très bien, mais à quel prix ? Et qui paye ? Si on reprend le rapport de la Cour des Comptes de 2022 sur l’apprentissage, leur conclusion est sans appel : l’aide à l’apprenti est une réussite, mais elle creuse dangereusement les déficits si on n’a pas de recettes en face et donc ce n’est pas durable. Effectivement imparable et incontestable. Conclusion : il faut changer de lunettes et arrêter de croire en France qu’il appartient à l’Etat de toujours tout payer et réguler sous la forme de prélèvement et redistribution. L’Etat a ses propres missions à commencer par les missions régaliennes qu’il ne sait plus remplir correctement : sécurité, justice, éducation, santé, transition écologique notamment.

Donc si l’État ne peut pas payer, qui peut ? La réponse tient en un mot : mutualisation.

Lorsqu’au 19e siècle, l’agriculture qui pesait plus de 90% des emplois n’avait pas les moyens de financer ses approvisionnements et sa mécanisation, les paysans ont certes pu bénéficier de l’appui des pouvoirs publics qui ont posé un cadre réglementaire, mais ils ont d’abord commencé par se prendre en main en créant leurs syndicats pour la défense de leurs intérêts et des coopératives pour regrouper leurs moyens afin d’assurer leurs moyens de production et leurs débouchés commerciaux. Ils ont uni et mis en commun leurs efforts. Face aux défis du chômage de masse et de la remise en cause de la place du travail dans nos vies au détriment des efforts à fournir pour relever nos (immenses) défis, c’est la même démarche que peuvent mettre en œuvre aujourd’hui les employeurs. Si tous les employeurs, de la multinationale mondiale au tout petit travailleur indépendant, décident de mutualiser une part de leurs richesses, ils pourront garantir avec ce financement le paiement mensuel d’une allocation fixe et unique pour chacun de leurs emplois et pour tous, y compris donc les travailleurs indépendants et les non salariés. Tel est le socle de la proposition de loi que formule l’ALSES, Association pour une Loi pour la Sécurité économique et sociale.

Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?

Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.

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Cotisation économique ou cotisation sociale ?

Quelle différence avec les cotisations sociales diront certains ? Précisément, l’idée de la Sécurité économique et sociale est de transposer dans le domaine économique pour les employeurs le mécanisme qui fonctionne dans le domaine social. Ce qui a pu être mis en place par la cotisation employeurs/employés au service de la protection sociale des individus, pourquoi ne pourrait-on pas le mettre en place pour encourager l’emploi qui sert autant les individus que les entreprises ?

Certains diront alors : on cotise déjà cher justement pour assurer notre protection sociale, il est impossible de prélever encore davantage sans pénaliser les comptes des entreprises.

  • Première réponse : l’argument de la compétitivité économique était déjà celui du patronat d’avant la seconde guerre mondiale avant la mise en place de la Sécurité Sociale et depuis lors, on constate que l’économie n’a pas souffert de ces prélèvements, au contraire. Bref, méfions-nous de nos certitudes, tant qu’on n’a pas essayé, on ne sait pas si un dispositif amène plus de positif ou de négatif. C’est d’ailleurs sur la base de ce raisonnement que le patronat plus éclairé d’aujourd’hui s’intéresse fortement à la semaine de 4 jours pour tenter de concilier économique et social.
  • Seconde réponse : précisément, l’idée de la SES n’est pas de prélever sur l’économique pour redistribuer au social, mais de concilier économique et social. Avec la SES, le prélèvement de la cotisation ne sort pas du système productif et de l’entreprise pour être redistribué à des individus. Les cotisations mutualisées sont immédiatement reversées aux entreprises et entrepreneurs eux-mêmes sous forme d’allocation emploi, précisément en prenant l’emploi comme unité de base de reversement pour encourager chacun à recruter, à entreprendre et à postuler.

Quoi de plus économique que l’emploi qui est au cœur du système productif et qui est la principale ressource de toute entreprise, devant même le capital ? Mais quoi de plus social aussi que l’emploi qui est au cœur du contrat social d’une société avec le droit pour chacun d’avoir une place dans la société et le devoir aussi pour chacun d’apporter sa contribution à la société dans laquelle il vit ? Mais si chaque employeur cotise pour recevoir en contrepartie une allocation, à quoi bon cotiser ?

Parce que les uns et les autres, selon leur taille, leur métier, leur stade de croissance, n’ont pas les mêmes difficultés pour recruter et embaucher, n’ont pas les mêmes atouts facilitateurs ou pénalisants pour développer leurs activités. Pourquoi un employeur n’a-t-il pas envie d’embaucher ? Tout simplement parce qu’il gère son risque : recruter quelqu’un, c’est faire un pari sur sa capacité à générer les ressources qui permettront de financer durablement l’emploi supplémentaire. Mais si un employeur sait que chacun de ses emplois et chacune de ses embauches lui donne droit avec certitude à une allocation qui prend en charge une partie du coût de ces emplois, il hésite moins à recruter (ou à s’auto-recruter). Avec la loi SES, on met en place une allocation emploi qui sécurise l’embauche : on échange de l’aléa contre plus de certitude. Et donc on applique la loi d’airain dont la loi sur l’apprentissage a démontré l’efficacité : les incitations financières, ça marche et plus elles sont fortes et plus elles sont incitatives. Et l’intérêt d’une allocation unique pour tout emploi, c’est qu’elle créera un effet d’émulation pour tous les employeurs : pour ceux qui recrutent facilement, ce sera une possibilité d’être plus attractifs en salaires et pour les employeurs des métiers insuffisamment payés, ce sera la possibilité de proposer de meilleurs salaires pour motiver davantage les candidats. C’est l’ensemble du système productif qui encouragera l’emploi et tout particulièrement les métiers et les secteurs que l’on a besoin aujourd’hui de développer, mais qui ne sont pas assez attractifs : santé, soin, social, éducation, services aux personnes, emplois verts, etc.

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Photo de Andrea Piacquadio: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/details-de-la-manipulation-des-travailleurs-par-l-outil-pneumatique-en-atelier-3846262/

En savoir plus sur les données de l’apprentissage : https://poem.travail-emploi.gouv.fr/synthese/contrats-d-apprentissage#:~:text=maintenir%20la%20coh%C3%A9rence.-,Fin%20ao%C3%BBt%202023%2C%20on%20compte%20853%20500%20apprentis%2C%20soit%20une,%25%20pour%20ceux%20du%20public 

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