Créée en 1945, la Sécurité Sociale a instauré en France un système de solidarité à l’échelle nationale entre tous les travailleurs. Ce système de solidarité à caractère obligatoire repose sur la mise en commun d’une partie des salaires – les cotisations sociales, patronales et salariales – au sein d’un organisme privé distinct de l’État : la Sécurité Sociale.
Cette dernière redistribue alors instantanément cette masse monétaire mutualisée sous forme de revenus aux personnes, employées ou non, selon leurs besoins, leur situation personnelle ou professionnelle : pensions de retraite, indemnités en cas de maladie ou d’accidents, allocations familiales, salaire de fonctionnaire hospitalier.
Un système de solidarité sous pression
Ce système inédit a joué – et joue toujours – un rôle crucial dans la cohésion nationale, la justice sociale et le progrès humain en protégeant chaque individu des aléas de la vie et lui garantissant des droits économiques et sociaux.
Il se trouve toutefois fragilisé par les politiques libérales conduites depuis les années 1970 au sein des États membres de l’OMC, au premier rang desquels les États-Unis et ceux de l’Union européenne. Bien que le mythe du marché « autorégulateur » soit discutable, le principe de concurrence libre et non faussée s’est progressivement étendu – traités libre-échangistes à l’appui – à tous les secteurs de l’économie, y compris ceux pensés à l’origine en dehors de toute logique de marché (la santé, l’éducation, l’énergie, les transports, etc). Cette dérégulation massive de l’économie organisée à l’échelle mondiale impose la compétitivité et la rentabilité comme conditions de survie et de développement des entreprises, et participe ainsi à augmenter la pression sur les charges de ces dernières, au premier rang desquels les salaires et les impôts.
S'abonner à la newsletter
S'abonner à la newsletter
On comprend alors que la Sécurité Sociale, aussi remarquable soit-elle, se trouve fragilisée, en raison de son financement initialement dépendant des salaires versés par les entreprises. Comme la pression sur les salaires ne peut être infinie, les gouvernements successifs ont adopté une stratégie détournée d’exonérations cotisations sociales :
- 1993 : Le gouvernement Balladur décrète l’exonération totale des cotisations sociales de la branche « famille » sur les salaires jusqu’à 1,1 Smic et de 50 % jusqu’à 1,2 Smic ;
- 1996 : le gouvernement Juppé applique une réduction dégressive des cotisations patronales de Sécurité sociale pour les salaires inférieurs à 1,33 Smic ;
- 2000 : le gouvernement Aubry étend ces exonérations à 1,8 Smic ;
- 2013 : Introduction d’un Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) de 4 % puis 6 % de la masse salariale en dessous de 2,5 Smic ;
- 2019 : Transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales.
Mise à contribution des budgets publics
Comme il est impossible de totalement se passer de la Sécurité sociale, l’État a été obligé de compenser une grande partie de ces exonérations par des transferts de produits de la fiscalité, notamment de la TVA. Ces aides aux entreprises représentent à ce jour environ 200 milliards d’euros.
Par ailleurs, ces politiques de compression des salaires et d’exonérations viennent saper le fondement de la Sécu, organisant son déficit et légitimant des baisses de prestations telles que le recul de l’âge de départ à la retraite, le durcissement des droits au chômage, le déremboursement des soins et des médicaments pour ne citer que ces exemples.
Que faire pour enrayer cette logique délétère et sauver la Sécu, loin de toute nostalgie, en restant conscient des enjeux et du rapport de force actuel entre travail et capital ?
Un complément indispensable pour la Sécu
Les travailleuses et travailleurs, en tant que personnes individuelles, ont élaboré un mécanisme collectif de solidarité entre eux, la Sécurité sociale, qui participe à les assurer contre les risques de la vie par la mutualisation d’une partie de leurs salaires.
Les collectifs de travailleuses et travailleurs que sont les entreprises ne disposent, en revanche, d’aucun mécanisme collectif de ce type. Face aux aléas économiques, conjoncturels ou structurels, elles ne peuvent compter que sur leur trésorerie et les prêteurs (banques et marchés financiers, avec des conditions d’accès aux prêts souvent drastiques).
Il existe deux façons d’appréhender les entreprises. Une qui consiste à les réduire aux seules sociétés de capitaux guidées par le profit. Une autre qui consiste à les considérer comme des collectifs de travailleurs.
Dans le premier cas, l’État est obligé de soutenir le profit des entreprises, ce qui explique qu’il mobilise des sommes colossales dans des mesures de soutien au résultat inefficace sur l’emploi mais aux effets délétères sur le financement de la Sécurité sociale. Le sauvetage d’entreprises se fait donc au détriment des citoyennes et citoyens.
Dans le second cas, il faut donc penser un dispositif qui s’inspire des principes de la Sécu – universalité, solidarité, démocratie – mais qui vise à protéger cette fois-ci les entreprises vues comme des unités économiques de production.
Il est, en effet, possible de soutenir l’emploi en accordant à chaque entreprise, quelle qu’elle soit (indépendant avec ou sans salarié, société de capitaux, coopérative ou association) un socle de rémunération pour chacun de ses travailleurs.
Ce dispositif serait financé par les entreprises elles-mêmes au prorata de leurs flux de trésorerie d’activité, à savoir la différence entre ce qu’elles encaissent (factures clients et subventions) et ce qu’elles payent (factures fournisseurs et impôts). Ceci revient à mutualiser entre entreprises une part de la richesse qu’elles ont produite afin de garantir à chacune un socle de revenu pour chacun de leur employé(e)s.
Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.
Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?
Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.
Ainsi les entreprises qui dégagent des excédents participeraient à soutenir les emplois de celles qui traversent des difficultés, et se trouveraient aidées à leur tour en période de vaches maigres. De même, les entreprises qui démarrent leur activité ou investissent seraient momentanément soutenues dans leurs emplois et leurs achats.
Alors pourrait s’instaurer, à côté de la Sécurité sociale, une autre Sécu, celle des entreprises. On pourrait la nommer Sécurité économique et sociale et en faire la promotion, et pourquoi pas la construire, là, tout de suite.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.
Photo de Ivan Samkov: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/mains-vue-de-haut-tatoue-unite-9630216/