Au cours du troisième trimestre 2023, la France a enregistré 517 900 démissions de salariés en CDI : un taux historique qui n’avait pas été atteint depuis 2008, selon la DARES.
Ce chiffre éloquent n’illustre pourtant que la partie émergée de l’iceberg. En effet, il existe aussi un phénomène plus insidieux et intangible, mais pas moins néfaste pour les entreprises : le quiet quitting, ou démission silencieuse.
Zoom sur cette tendance en plein essor, qui concerne aujourd’hui près de 4 Français sur 10 et tour d’horizon de ses impacts sur l’entreprise.
Qu’est-ce que le quiet quitting, ou démission silencieuse ?
L’expression « quiet quitting », qui se traduit en français par « démission silencieuse » fait référence au comportement d’un salarié qui se contente d’effectuer le strict minimum dans son travail pour éviter le licenciement, ni plus, ni moins.
Autrement dit, l’employé se limite rigoureusement à la réalisation des tâches et des missions mentionnées dans sa fiche de poste, sans s’impliquer outre mesure.
Selon une étude Ifop réalisée pour Les Makers en 2022, les quiet quitters représentent 37 % des actifs français. Cette enquête révèle aussi que, parmi les sondés :
- 43 % des actifs d’entreprises de plus de 10 salariés déclarent faire « juste ce qu’il faut » au travail ;
- 48 % se sentent « plutôt perdants » au regard de leur implication dans le travail ;
- 54 % perçoivent le travail comme une contrainte « nécessaire pour subvenir à leurs besoins ».
Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.
Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?
Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.
Les origines du quiet quitting
Le quiet quitting a émergé aux États-Unis pendant la crise sanitaire. Les confinements successifs et la mise en place du télétravail ont en effet bouleversé le rapport au travail et remis la question du sens et de l’épanouissement personnel au cœur des préoccupations des employés. Outre-Atlantique, ce décrochage silencieux s’inscrit également dans le sillage du Big Quit, une vague de démissions massives constatée depuis le début de la pandémie, qui avait atteint son paroxysme en août 2021, avec 4,3 millions de départs en seulement un mois. Aujourd’hui, plus de la moitié de la main-d’œuvre américaine serait en démission silencieuse, selon une étude de l’institut Gallup réalisée en 2022.
L’expression « quiet quitting » s’est progressivement démocratisée à l’échelle internationale suite à la diffusion, en 2022, de vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux (notamment TikTok). Depuis, le phénomène a été largement médiatisé.
Toutefois, si la démission silencieuse s’est fortement accélérée ces dernières années, cette tendance est loin d’être nouvelle. Frederick Winslow Taylor, père de l’organisation scientifique au travail théorisait déjà, au début du 20ème siècle, ce qu’il décrivait comme « la flânerie systématique » des ouvriers.
En 1970, le sociologue français Renaud Sainsaulieu parlait quant à lui de « retrait » en référence aux salariés qui se désengageaient professionnellement au profit de leur vie personnelle. Puis, dans les années 80, le sociologue belge Guy Bajoit évoquait le phénomène « d’apathie » pour désigner le manque de coopération et d’implication de certains employés. D’autres concepts sociologiques, tels que le « freinage » ou encore « la grève du zèle » peuvent également être assimilés au quiet quitting.
Aujourd’hui, la démission silencieuse concernerait 6 salariés sur 10 dans le monde, selon le rapport 2023 de Gallup.
En outre, l’étude réalisée en 2022 par ce même institut révèle qu’à l’échelle européenne, la France affiche un taux d’engagement au travail parmi les plus bas, avec 94 % de salariés « peu ou pas engagés dans leur entreprise ».
S'abonner à la newsletter
S'abonner à la newsletter
Quels sont les signes du quiet quitting ?
Le quiet quitting peut se manifester de plusieurs manières au quotidien.
Voici quelques exemples de signes annonciateurs d’une démission silencieuse :
- Un respect scrupuleux des horaires de travail et un refus d’effectuer des heures supplémentaires, même lors d’un pic d’activité ;
- Une baisse de la qualité et de la quantité du travail fourni ;
- Des changements de comportement : isolement, négativité, irascibilité, impatience, lassitude, manque d’enthousiasme et d’entrain…
- Un refus ou une réticence à accepter des tâches ou des responsabilités supplémentaires qui sortent du cadre du contrat de travail ;
- Des absences répétées ;
- Un manque d’initiative et de curiosité ;
- Un refus strict de répondre aux messages professionnels en dehors des horaires de travail ;
- Un rythme de travail très peu soutenu ;
- De faibles performances ;
- Un manque d’implication dans la vie extra-professionnelle de la société (peu d’interactions avec les pairs, refus de participer aux activités et événements sociaux…).
Les causes du quiet quitting en entreprise
Les causes du quiet quitting sont complexes et multifactorielles. Le plus souvent, la démission silencieuse découle d’une perte de sens, d’intérêt et de motivation au travail. Le quiet quitter fait une distinction claire entre son statut de travailleur et son statut d’individu, qu’il fait toujours passer en priorité.
Plusieurs facteurs peuvent également favoriser la démission invisible d’un salarié, tels que :
- un manque de reconnaissance au travail ;
- un désalignement entre les valeurs personnelles et celles de l’entreprise ;
- la réalisation de tâches monotones, répétitives, perçues comme inutiles ;
- de faibles perspectives d’évolution professionnelle ;
- des conditions de travail précaires ;
- des conflits ou des tensions récurrentes avec les collègues et / ou les supérieurs hiérarchiques ;
- une rémunération peu attractive
- …
Les RPS (risques psychosociaux) comme le stress, l’épuisement professionnel, le burn-out ou encore le bore-out (ennui au travail) sont d’autres potentielles causes du quiet quitting.
Cette forme de démission passive traduit, en d’autres termes, un total désintérêt et un désengagement profond de la part du salarié, qui perçoit son travail uniquement comme une nécessité pécuniaire et non comme une source d’épanouissement individuel. Il place son bien-être, ses passions, son temps libre et son équilibre vie professionnelle / vie personnelle au centre de ses préoccupations.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.
Quels sont les impacts de la démission silencieuse sur l’entreprise ?
Le quiet quitting passe souvent inaperçu au sein de l’entreprise, mais il peut avoir, in fine, des conséquences néfastes s’il n’est pas identifié ni pris en charge rapidement.
Une baisse de la productivité
Lors d’une démission silencieuse, les employés ne sont plus investis dans leur travail et limitent leur niveau d’efficacité au minimum requis pour ne pas se faire licencier. Ils refusent de fournir des efforts supplémentaires et n’acceptent pas de projets qui sortent de leur description de poste.
Naturellement, cela peut générer une forte baisse de la productivité et des performances opérationnelles de la société.
Une dégradation du climat social
La démission silencieuse de quelques salariés peut aussi mettre à mal le moral, la motivation, l’engagement et le bien-être de leurs pairs.
Dénué du moindre sentiment d’appartenance et d’adhésion envers son entreprise, le quiet quitter fait l’impasse sur tout effort de cohésion, d’entraide et d’initiatives. Cela peut générer un sentiment d’iniquité et donner lieu à des situations tendues, voire conflictuelles. À terme, c’est l’ensemble du climat social de l’entreprise qui peut être impacté.
Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.
Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?
Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.
Une hausse de l’absentéisme et du turn-over
Un salarié désengagé sera également beaucoup plus enclin à s’absenter et à prendre des congés à la moindre occasion. Ces employés sont également moins fidèles et plus susceptibles de quitter leur poste dès qu’une opportunité professionnelle plus attrayante se présente.
Pour l’entreprise, cela génère une perte de talents et une hausse du turn-over qui peuvent induire des coûts de recrutement conséquents.
Une baisse de la compétitivité et de la notoriété
Le manque d’implication, de prises d’initiatives et d’engagement des salariés démissionnaires peuvent directement impacter la compétitivité de la société. Les quiet quitters se contentent en effet de répondre à leurs obligations contractuelles mais n’apportent aucune valeur ajoutée à l’entreprise et n’ont aucune intention de participer à son développement économique. Ce comportement au regard du travail peut impacter la satisfaction client, la qualité de la production et nuire considérablement à la rentabilité de l’entreprise, à son image de marque et à son avantage concurrentiel.
Des coûts élevés
Le quiet quitting a également des répercussions économiques non négligeables, induites par la baisse de productivité, de rentabilité et par les charges liées à l’absentéisme et au turn-over. En France, l’IBET (Indice de bien-être au travail) estime que chaque salarié désengagé coûte 14 310 € par an à l’entreprise.
À l’échelle mondiale, le rapport 2023 de Gallup évalue les pertes financières générées par la démission silencieuse à 8,8 milliards de dollars, soit près de 9 % du PIB mondial.
S'abonner à la newsletter
S'abonner à la newsletter
Comment la SES peut-elle contribuer à limiter le quiet quitting et ses impacts sur l’entreprise ?
Le projet de sécurité économique et sociale (SES) propose de verser une allocation par emploi en équivalent temps plein à toutes les organisations, quels qu’en soient le secteur, la taille et la forme juridique (travailleurs non salariés, PME, ETI, grands groupes…). Cette allocation fixe, mensuelle et unique a vocation à couvrir une partie du salaire.
Elle ne sera pas financée par l’État mais par les entreprises elles-mêmes, sur la base d’un pourcentage fixé en fonction de leur niveau de revenus. Très concrètement, cela permet de réduire le risque associé à l’emploi dans la mesure où l’entreprise échange de l’incertain (une partie ce qu’elle va produire) contre du certain (l’allocation garantie par emploi). C’est l’application à l’emploi du mutualisme qui, par le passé, a prouvé son efficacité dans de nombreux domaines.
La mise en œuvre de ce dispositif démultipliera les offres d’emploi au point de permettre aux individus d’exercer un véritable choix de leur emploi. Le choix d’un emploi par un individu est une combinaison de trois critères : la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), le sens du travail et la rémunération. Les entreprises devront alors mieux prendre en compte les aspirations des salariés ce qui aura des effets positifs sur ces trois critères.
Améliorer la QVCT
L’entreprise sera alors incitée à mettre en place des actions destinées à améliorer le bien-être et l’engagement de ses salariés, telles que :
- Mettre en place des modes d’organisation au travail plus souples (télétravail ; travail hybride ; semaine de 4 jours ; horaires aménagés ; congés flexibles ; droit à la déconnexion en dehors du cadre professionnel…) ;
- Instaurer des mesures de prévention des RPS (soutien psychologique, happiness coach, entretiens individuels réguliers pour évaluer le niveau de satisfaction des collaborateurs, accompagnement RH…) ;
- Aménager un cadre de travail confortable et propice à la productivité et à la concentration ;
- Mettre en place des actions de sensibilisation et de formation du corps managérial pour aider les managers à mieux comprendre et à identifier le quiet quitting ;
- Accompagner la montée en compétences et assurer la formation continue des salariés pour les aider à atteindre leurs objectifs professionnels ;
- Augmenter les effectifs afin d’optimiser la répartition de la charge de travail et de prévenir les risques de burn-out pouvant être à l’origine d’une démission silencieuse ;
- Proposer des activités visant à renforcer l’esprit d’équipe et le sentiment d’appartenance (team building, séminaires, afterworks…) ;
- Faire appel à des consultants externes pour mener des sondages et des questionnaires afin d’identifier le niveau d’engagement des salariés et les causes réelles d’un éventuel quiet quitting ;
- …
Replacer le sens au cœur du travail
Comme évoqué, le manque de sens est l’une des causes majeures de la démission silencieuse. D’après une étude réalisée par la firme britannique Deloitte, 87 % des salariés accordent de l’importance au sens au travail et 54 % considèrent que la quête de sens a guidé leur choix de métier).
La mise en place d’une allocation mensuelle et inconditionnelle par emploi proposée par la SES permettra aux entreprises de recruter un plus grand nombre de salariés et d’aller au-delà du plein emploi.
Les travailleurs auront, de ce fait, accès à un choix d’opportunités professionnelles plus large et plus diversifié. Ils pourront ainsi choisir un emploi en phase avec leurs valeurs, leurs aspirations et leurs prétentions salariales. Les quiet quitters pourront, quant à eux, envisager plus sereinement de démissionner et de se reconvertir dans un métier plus épanouissant.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.