Accueil » Financer la SES sur la base des flux de trésorerie

par | 9 octobre 2023

Financer la SES sur la base des flux de trésorerie

separateur

La Sécurité économique et sociale a choisi une assiette de contribution des entreprises basée sur les flux de trésorerie en lieu et place de soldes comptables. Un parti pris justifié par la nécessité de financer des salaires et qui, dans le même temps, réduit les besoins de trésorerie des entreprises et finance une partie des investissements.

Le principe de base de la Sécurité Économique et Sociale (SES) est le versement à toute entreprise – travailleurs indépendants compris – d’une allocation mensuelle unique par emploi en équivalent temps plein. 

À l’inverse de nombre de dispositifs d’aide à l’emploi financés par l’État, la SES finance ces allocations-emploi par une contribution des entreprises entre elles-mêmes sur la base d’un pourcentage de la richesse qu’elles produisent. 

Qu’est-ce que le flux de trésorerie ?

Valeur ajoutée nette vs. Flux de trésorerie d’activité

La mesure traditionnelle de la richesse produite par une entreprise est sa valeur ajoutée nette, à savoir la mesure de la production qu’elle a réalisée, diminuée de ce qui a été consommé dans ce processus de production. Cela correspond donc à la valeur qu’ont « ajoutée » les travailleurs de l’entreprise à ce qui a été consommé dans ce processus (d’où le terme comptable de valeur ajoutée).

L’objectif de la SES est de fournir des liquidités aux entreprises de façon à ce qu’elles aient la trésorerie disponible pour verser des salaires et que ceux-ci soient décents. Pour y parvenir, il est donc logique que l’assiette de contribution s’appuie sur les liquidités disponibles (que l’on appelle aussi cash flow) plutôt que sur des soldes comptables qui ignorent l’état de la trésorerie. 

C’est la raison pour laquelle la SES a choisi comme assiette de contribution des entreprises, non pas la valeur ajoutée nette, mais les Flux de trésorerie d’activité (FTA) que l’on peut définir succinctement comme étant la différence entre les encaissements de factures et de subventions et les décaissements (paiements de fournisseurs et d’impôts).

S'abonner à la newsletter

S'abonner à la newsletter

Une aide au financement du Besoin en fonds de roulement

Premier avantage : ne pas pénaliser une entreprise qui a facturé son client, mais qui, n’ayant pas été encore réglée, ne dispose pas de la trésorerie correspondante pour assurer les salaires. Il en est de même pour le règlement des achats : l’entreprise peut bénéficier de délais de paiement, même si elle a déjà reçu la facture. Ce report de règlement fournisseur permet de financer en tout ou partie le retard de règlement de ses clients. Ce qu’on appelle Besoin en fonds de roulement (BFR) correspond à la différence entre les deux, soit la trésorerie dont devra disposer l’entreprise pour qu’elle puisse fonctionner.

Quelle conséquence pour les entreprises ?

Conséquence : la contribution mutualisée inter-entreprises que nous proposons revient donc :

  • Cas 1) À un prélèvement à un instant T (à priori chaque mois) si les encaissements sont supérieurs aux paiements, ce qui est le cas général ; 
  • Cas 2) À une aide dans le cas particulier où les paiements dépassent les encaissements (notamment en cas de forts investissements).

Exemple 

Supposons que la délibération politique a choisi une contribution de 30 % des FTA des entreprises. Nous aurions alors deux cas de figure :  

  • Cas 1) Sur un mois donné, l’entreprise a encaissé 100 000 euros et payé 40 000 euros, ce qui revient à un FTA de 60 000 euros. Sa contribution sera de 18 000 euros (60 000 x 30%) en contrepartie des allocations-emploi. 
  • Cas 2) Si, inversement, l’entreprise a encaissé 40 000 euros et payé 100 000 euros – ce qui revient à un FTA négatif de 60 000 euros – elle recevra 18 000 euros (60 000 x 30%) en plus des allocations-emploi.
Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?

Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.

Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?

Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.

En travaillant sur les soldes de trésorerie (hors salaires donc puisqu’on part de la valeur ajoutée encaissée et décaissée), la SES se révèle comme un mécanisme permettant de réduire le BFR des entreprises ainsi qu’un moyen pour les inciter à réduire leurs délais de paiement. En effet, plus vite une entreprise réglera son fournisseur, moins fort sera son prélèvement ou plus forte sera son aide. Toutes les entreprises étant incitées à réduire leurs délais de paiement, elles encaisseront aussi plus vite les règlements de leurs clients.

“ La SES se révèle comme un mécanisme permettant de réduire le BFR des entreprises ainsi qu’un moyen pour les inciter à réduire leurs délais de paiement.”

Une aide à l’investissement

La contribution des entreprises sur les flux de trésorerie d’activité peut aussi s’exprimer comme étant un prélèvement sur les encaissements et une aide sur les décaissements. 

Reprenons l’exemple de l’entreprise qui, sur un mois donné, ayant encaissé 100 000 euros et payé 40 000 euros – donc un FTA de 60 000 euros – a contribué à hauteur de 18 000 euros (60 000 x 30 %). Il est aussi possible d’exprimer cette contribution de l’entreprise comme étant :

  • un prélèvement de 30 000 euros sur les encaissements (30 % de 100 000 euros) ;
  • et une aide de 12 000 euros sur ses paiements (30 % de 40 000 euros), 

Ce qui fait le même solde de 18 000 euros (30 000 – 12 000) de contribution nette. Ceci signifie que tout achat d’une entreprise est automatiquement aidé. 

Un avantage pour tous les achats d’entreprise

Cet avantage vaut pour tous les achats, y compris pour les investissements, autrement dit les achats effectués dans une optique de long terme. 

Supposons que l’entreprise que nous venons de citer en exemple ait acheté ce mois-ci, en plus de ses dépenses courantes, une machine de 500 000 euros. Le mois où elle a payé cette machine, elle déclare alors dans ses flux de trésorerie d’activité ces 500 000 euros de paiement, comme elle le fait pour tous ses achats. Du coup, ses FTA ne sont plus positifs de 60 000 euros, mais négatifs de 440 000 euros (Encaissements : 100 000 euros – Paiements : 540 000 euros). 

Plutôt que de payer 18 000 euros au régime en contrepartie des allocations-emploi, cette entreprise recevra la somme de 132 000 euros (30 % x 440 000) en sus de ses allocations-emploi.

Très concrètement, ceci revient donc à recevoir une aide de 150 000 euros (30 % x 500 000), ce qui correspond bien à la différence entre les 18 000 euros payés sans l’investissement et les 132 000 euros reçus (132 000 + 18 000). Elle n’aura donc plus qu’à financer le bien à hauteur de 350 000 euros (500 000 – 150 000) et non 500 000 euros sans Sécurité économique et sociale.

Rompre avec la logique comptable de l’étalement des charges

Il s’agit ici d’une formule qui rompt volontairement avec la logique comptable qui étale la charge d’un investissement sur le nombre d’années d’utilisation anticipé. 

Dans cette logique, si l’entreprise qui a acheté la machine de 500 000 euros compte l’utiliser sur 10 ans, elle ne peut déduire de son assiette de contribution que 50 000 euros par an et ne peut donc être aidée annuellement que de 15 000 euros (50 000 x 30 %) par la SES au lieu de 150 000 euros au moment de l’achat. 

Dit autrement, l’entreprise doit financer intégralement son équipement de 500 000 euros dès la première année au lieu de seulement 350 000 euros si les FTA sont choisis en lieu et place de la valeur ajoutée nette. En choisissant les flux de trésorerie d’activité plutôt que la valeur ajoutée comme base de calcul de la contribution, la SES permet donc d’encourager les investissements des entreprises : non seulement, elle avantage les entreprises qui embauchent, mais aussi les entreprises qui investissent.

“La SES permet donc d’encourager les investissements des entreprises : non seulement, elle avantage les entreprises qui embauchent, mais aussi les entreprises qui investissent.”

La mutualisation au service du dynamisme économique

La Sécurité économique et sociale n’est en rien une formule magique où tout le monde serait gagnant dans la mesure où le système est budgétairement équilibré entre allocations-emploi et contributions. Il y a donc des entreprises qui seront contributrices nettes (contributions > allocations-emploi) et donc perdantes à l’instauration de ce système et d’autres qui, au contraire, seront gagnantes (allocations-emploi > contributions), sans que cela soit toujours les mêmes d’un mois à l’autre.

L’importance de mutualiser le risque

La philosophie générale de la Sécurité économique et sociale s’inscrit dans la mutualisation du risque : chaque entreprise échange par avance une partie de ce que ses travailleurs produiront contre la garantie de recevoir une allocation-emploi qui garantira un socle de revenu à chacune et chacun. Le choix des flux de trésorerie d’activité comme mesure de la richesse produite en lieu et place de la valeur ajoutée nette étend cette philosophie mutualiste aux achats de l’entreprise et donc aux investissements en capital. Lorsqu’une entreprise emploie ou achète, elle est aidée. 

En contrepartie de cette aide, elle est prélevée sur ses encaissements qui sont le résultat des différentes décisions d’embauches et d’achats qu’elle a prises antérieurement.

Soutenez l'association et ses idées

Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.

Soutenez l'association et ses idées

Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.

À propos de l'auteur / autrice

Ancien entrepreneur. Co-fondateur de la société Esker en 1985 qu’il a quitté au début des années 2000 au moment où elle employait déjà plus de 300 personnes. Cette expérience professionnelle lui a permis de comprendre la comptabilité et la finance qu’il associera ensuite à l’étude de la macro-économie. Cette triple compétence lui a permis de développer les tutoriels du site www.economie.org. Auteur de Travailler autrement : les coopératives aux Éditions du Détour (2017) et de Au-delà de la propriété, Pour une économie des communs à La Découverte (2018), il a poursuivi sa réflexion dans le cadre de l'élaboration de la Sécurité économique et sociale.

Articles de la même catégorie

Adhérer ADHÉRER
Newsletter NEWSLETTER