On accuse parfois la Sécurité économique et sociale d’être une utopie au sens où elle nécessiterait une société moins égoïste. Dans la réalité, des redistributions existent déjà afin de maintenir un minimum de cohésion sociale. Mais celles-ci ne répondent pas réellement aux besoins de notre société : bureaucratiques, humiliantes pour ses ayants droits et coûteuses pour les finances publiques. La Sécurité économique et sociale est l’exact contraire d’une utopie au sens où elle pourrait être instaurée en pratique ici et maintenant : il ne manque que la volonté politique.
Il est facile, à l’énoncé de la proposition de loi de Sécurité économique et sociale, de se détourner de celle-ci en déclarant qu’il s’agit d’une utopie. Le principe de base de la Sécurité économique et sociale est de mettre hors marché une partie de la production pour la répartir à parts égales entre celles et ceux qui l’ont réalisée. Une objection fréquemment faite est que la société est égoïste et que personne ne veut partager les fruits de son travail.
Le concret : Les dérogations au marché existent déjà
Si on suit cette logique, ceci signifierait alors que les seuls revenus que nous toucherions viendraient de la valeur marchande de notre travail. Très franchement, une telle société serait non seulement invivable et, heureusement, nous ne sommes pas dans une telle économie. Invivable car cela signifie que celui ou celle qui n’aurait pas d’emploi et sans économies traînerait alors dans les rues pour quémander sa pitance, sans parler du fait qu’il ou elle ne serait pas soigné·e en cas de maladie. Or, nous ne vivons pas dans une telle société car de nombreuses redistributions existent.
Le coefficient de Gini mesure les inégalités : 0 égalité parfaite, 1 inégalité totale dans laquelle un individu possède tout et le reste de la population rien. Avant toute redistribution, le coefficient de Gini de la France s’établirait à 0,441, ce qui en ferait un pays très inégalitaire comparable au Brésil (0,529). Dans la réalité, il existe toute une série de redistributions qui font que son coefficient de Gini est de 0,298, ce qui en fait une des sociétés les plus égalitaires de la planète (tout en étant dans la moyenne de l’Union européenne).
Des redistributions…
Ces redistributions sont diverses et variées, la principale étant celle des retraites qui permet aux personnes de ne plus avoir à exercer un emploi à partir d’un certain âge dont l’effet en terme de diminution des inégalités est discutable. Mais, même dans la population valide et en âge de travailler, de nombreuses redistributions de richesse existent, parmi lesquelles :
- le Revenu de solidarité active (RSA). Qui aujourd’hui défend la suppression pure et simple du RSA ? Quasiment personne car on sait tous que, sans celui-ci, de nombreuses personnes seraient physiquement à la rue et sans aucun moyen de subsistance. Ce n’est ni moralement soutenable, ni souhaitable du point de vue de la qualité de vie des gens qui travaillent. Or qui paye le RSA ? Les contribuables, à savoir des gens qui majoritairement travaillent ou touchent une retraite ;
- la prime d’activité qui permet de verser des revenus complémentaires à des personnes qui travaillent mais ne gagnent pas suffisamment pour les sortir de la pauvreté. Là encore, cela existe, est nécessaire et nous l’acceptons en payant nos impôts.
… inefficaces, bureaucratiques et humiliantes
Comme on le voit, l’idée de partager une partie de son revenu pour subvenir aux besoins de nos semblables est largement admise et cela n’est pas une utopie, puisque c’est déjà la réalité. Le problème est qu’on le fait très mal et qu’au final, nous n’avons pas exactement la société que l’on désire :
- Le RSA coûte très cher aux budgets publics (12,3 milliards d’euros en 2021) et n’apporte pas satisfaction à la société. D’un côté, son montant ne permet pas à ses bénéficiaires (quand ils sont capables de faire valoir leurs droits) de sortir de la pauvreté ; de l’autre, ces derniers sont soupçonnés, parce qu’ils ne travaillent pas ou faiblement, de vivre aux crochets de la société, ce qui fait planer ce débat absurde et sans fin sur l’assistanat. À l’inverse, si on instaurait la Sécurité économique et sociale qui permettrait de démultiplier les offres d’emplois, il est fort probable que le recours au RSA serait dès lors relativement faible ;
- De même, le coût de la prime d’activité approche désormais les 10 milliards d’euros et n’existe que parce que certains salaires sont trop faibles. Récemment, Florent Menegaux, président du groupe Michelin déclarait que le Smic n’est pas un salaire décent. La encore, la Sécurité économique et sociale permettrait sans doute de s’en passer car elle réalise des transferts entre entreprises de façon à garantir à tout travailleur, indépendant comme salarié, un salaire décent.
Systématiser de façon rationnelle ce que notre économie réalise déjà
La Sécurité économique et sociale n’est donc en rien une utopie : elle ne fait que systématiser d’une façon rationnelle ce que notre économie réalise déjà. Au lieu de faire peser notre solidarité collective sur des dispositifs dérogatoires générant énormément de bureaucratie et d’humiliations pour ses ayants droits, sans parler des effets pervers en terme de déficit budgétaire, elle pose un principe indiscutable : l’individu n’est pas une marchandise et à ce titre, sa rémunération ne peut se résumer à la valeur marchande qu’il produit.
C’est la raison pour laquelle, elle défend un mécanisme simple : qu’une part de la richesse produite soit mise hors marché et partagée de façon égalitaire entre celles et ceux qui l’ont produite. C’est possible, ici et maintenant, en établissant un régime obligatoire interentreprises qui ne nécessite aucune sortie de l’euro ou de l’Union européenne et qui serait instauré par une loi votée au Parlement.
La Sécurité économique et sociale est le contraire d’une utopie car le partage qu’elle implique est déjà contenu dans des dispositifs existants qui le font très mal. Ou, si elle est une utopie, elle est alors bien concrète dans la mesure où elle ne demande que de la volonté politique pour être instaurée.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.
Soutenez l'association et ses idées
Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.
Photo de Zac Durant sur Unsplash