L’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE) a pour ambition de soutenir les demandeurs d’emploi désireux de se lancer dans l’entrepreneuriat, en leur permettant de transformer une partie de leurs droits au chômage en capital.
Malgré les avantages qu’il présente pour les allocataires, ce dispositif suffit-il réellement à encourager la création d’entreprises viables et pérennes ? Quelle est sa réelle portée à grande échelle et à long terme ?
Dans cet article, nous décryptons le fonctionnement et les limites de l’ARCE, et analysons son rôle concret dans la démocratisation de l’entrepreneuriat en France.
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Qu’est-ce que l’ARCE et qui peut en bénéficier ?
Versée par France Travail (ex-Pôle emploi), l’ARCE est une aide financière destinée aux créateurs ou repreneurs d’entreprises. Elle permet à ces derniers de percevoir, sous certaines conditions, une partie de leurs allocations chômage sous la forme d’un capital utilisé pour financer leur projet entrepreneurial.
En effet, les demandeurs d’emploi indemnisés ayant un projet de reprise ou de création d’entreprise ont le choix entre :
- Demander le maintien partiel de l’ARE (allocation d’aide au retour à l’emploi) versée chaque mois, en plus des rémunérations perçues grâce à la nouvelle activité non salariée ;
- Demander le versement de l’ARCE : l’entrepreneur reçoit alors, en deux fois, une somme correspondant à un capital de droits qui est calculé en fonction de ses droits à l’ARE qui restent à verser.
Qui peut bénéficier de l’ARCE ?
Les conditions pour bénéficier de l’ARCE sont les suivantes :
- Avoir créé ou repris une entreprise en France après la fin de son contrat de travail ;
- Être allocataire de l’ARE ;
- Être allocataire de l’ACRE (aide aux créateurs et repreneurs d’entreprise), une exonération partielle ou totale des charges sociales.
Quel est le montant de l’ARCE ?
Pour les personnes dont le contrat de travail a pris fin après le 1er juillet 2023, le montant de l’ARCE correspond à 60 % des droits à l’ARE qui restent à verser. Une déduction de 3 % s’applique sur le montant du capital droits, pour le financement des retraites complémentaires.
Cette aide est versée en deux temps :
- Le 1er versement de l’ARCE, qui correspond à 50 % de l’aide, a lieu à la date de la création de l’entreprise ;
- Le 2ème versement, avec les 50 % restants, a lieu 6 mois plus tard, sous réserve que l’activité non salariée soit toujours en cours.
L’obtention de l’ARCE se fait sur demande auprès de France Travail et sur présentation des justificatifs demandés (attestation de l’ACRE, immatriculation au RCS – Registre du commerce et des sociétés ; extrait Kbis…).
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L’ARCE : un dispositif incitatif, mais limité
Selon une étude de l’Unédic et de BPIFrance Création (édition 2023 de l’Indice entrepreneurial français – IEF), près de 71 000 personnes ont bénéficié de l’ARCE en 2022, dans le cadre d’un projet entrepreneurial.
D’après ce même Observatoire, 51 % des chefs d’entreprise en France déclarent avoir été inscrits à Pôle emploi lors de leur dernière création ou reprise d’entreprises et près de la moitié d’entre eux (47 %) a bénéficié de l’ARCE.
Très attractif, ce dispositif permet en effet au porteur de projet de disposer immédiatement d’un apport en trésorerie pour financer le lancement de son activité indépendante.
Facilement accessible aux demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’ARE, ce capital de départ permet à ces derniers de se lancer rapidement sans être freinés par la question du financement.
Malgré ces avantages, l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise s’accompagne d’un certain nombre de limites à ne pas négliger :
Un dispositif réservé aux demandeurs d’emploi
Comme expliqué précédemment, l’ARCE est réservée aux demandeurs d’emploi indemnisés au titre de l’ARE. Autrement dit, seules les personnes ayant eu un emploi salarié et ayant acquis des droits au chômage peuvent prétendre à ce dispositif.
Cela exclut, de fait, tous les créateurs d’entreprises n’étant pas éligibles à l’ARE, soit une large partie de la population active :
- Les salariés ayant démissionné de leur dernier emploi ;
- Les salariés ayant quitté volontairement leur emploi pour un autre contrat qui a duré moins de 65 jours travaillés ;
- Les personnes pouvant prétendre à une retraite à taux plein ;
- Les personnes ayant travaillé moins de 130 jours ou 910 heures (soit environ 6 mois) dans les 24 derniers mois (pour les moins de 53 ans) ou dans les 36 derniers mois (pour les 53 ans et plus) ;
- Les travailleurs non salariés ;
- Les chefs d’entreprise ayant fait faillite ;
- Les personnes ayant quitté leur emploi dans le cadre d’une reconversion professionnelle ;
- Les jeunes diplômés n’ayant jamais travaillé ;
- Les personnes nouvellement installées en France, n’ayant jamais travaillé dans l’Hexagone ;
- …
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Un montant souvent insuffisant
En outre, il faut bien comprendre que le montant exact de l’ARCE est directement lié à la durée et au montant de l’ARE, qui dépendent eux-mêmes d’une multitude de critères, tels que :
- le salaire de référence ;
- l’ancienneté professionnelle du demandeur ;
- l’âge du demandeur ;
- le type de contrat de travail (à temps partiel ou à temps plein) ;
- le nombre de jours travaillés ;
- …
Par ailleurs, le délai qui s’écoule entre le moment où le demandeur d’emploi effectue sa demande d’ARE et le moment où il décide de lancer son entreprise impacte directement le montant de l’ARCE.
Prenons un exemple pour y voir plus clair :
Au 1er juillet 2023, un demandeur d’emploi perd son travail et s’inscrit auprès de France Travail le lendemain afin de bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).
- Son droit à l’ARE est fixé à 40 € par jour pour une durée de 548 jours. À cause du délai de carence, le versement de son allocation débute le 1er octobre 2023. Il touche ainsi l’ARE pour la période du 1er au 31 octobre 2023. Le 1er novembre 2023, il décide de créer son entreprise. À ce moment-là, il lui reste 517 jours d’allocations (548 jours moins les 31 jours déjà utilisés). Le montant de l’ARCE sera alors calculé comme suit : [(40 € x 517 jours) x 0,60] = 12 408 €, auxquels il faut soustraire une déduction de 3 %, soit un total de 12 035 €.
- En revanche, si son droit à l’ARE est prévu pour une durée de 182 jours à partir du 1er octobre 2023, et qu’il décide de créer sa société le 1er janvier 2024, il aura déjà touché l’ARE pendant 92 jours. Ainsi, à la date de la création de son entreprise, il lui restera 90 jours de droits à l’ARE (182 – 92). Dans ce dernier cas de figure, le montant de l’ARCE sera alors calculé comme suit : [(40 € x 90 jours) x 0,60] = 2 160 €, auquel il faut soustraire une déduction de 3 %, soit un total de 2 095,20 €.
Comme on peut le constater, le montant de cette aide est très variable en fonction de la situation de l’allocataire. Il suffit rarement pour couvrir tous les besoins en fonds propres nécessaires au lancement d’une entreprise, tout en permettant à l’entrepreneur de subvenir à ses besoins jusqu’à ce que son activité non salariée soit rémunératrice. À plus forte raison si le projet porte sur un secteur d’activité nécessitant des investissements élevés (hôtellerie-restauration, commerce de détail, startups tech…), ou sur une structure juridique induisant des frais conséquents, ce qui est le cas de la plupart des sociétés.
Selon une étude d’Opinion Way réalisée en mars 2023, les Français souhaitant créer ou reprendre une entreprise estiment d’ailleurs qu’il leur faudrait un budget d’au moins 24 866 € la première année pour donner vie à leur projet.
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Une aide ponctuelle, limitée dans le temps
Il faut également souligner le fait que l’ARCE est une aide limitée dans le temps. Une fois les deux versements effectués, aucun soutien financier n’est prévu pour soutenir la croissance de l’entreprise à terme. Après avoir injecté le capital de l’ARCE dans le lancement de sa structure et couvert les dépenses initiales, l’entrepreneur est ensuite livré à lui-même face aux aléas économiques inhérents à tout projet entrepreneurial.
De plus, cette aide n’est pas renouvelable. Si la société peine à décoller ou qu’elle ne bénéficie pas d’une rentabilité immédiate, le porteur de projet se retrouve alors sans revenus, ni allocations chômage (l’ARE et l’ARCE n’étant pas cumulables).
Ce manque de continuité peut fortement compromettre la pérennité de l’entreprise, compliquer sa croissance, mais aussi placer l’entrepreneur dans une situation de précarité.
Alors, l’ARCE suffit-elle à encourager la création d’entreprises en France ?
Au regard de cette analyse, une question se pose : l’ARCE est-elle un réel tremplin à la création d’entreprises viables et pérennes à grande échelle en France ? Ou s’agit-il d’un pis-aller, visant à offrir aux demandeurs d’emploi une alternative au chômage ?
Il est également judicieux de s’interroger sur le type de structures créées par les allocataires. Compte tenu de son caractère ponctuel et de son montant peu substantiel, l’ARCE ne favoriserait-elle pas la création de petites structures faciles d’accès, peu résilientes, plutôt que la fondation de sociétés à forte croissance, capables de créer des emplois et de contribuer significativement à l’économie française ?
À la lumière des chiffres ci-dessous, la réponse pencherait plutôt vers l’affirmative :
- 65 % des bénéficiaires de l’ARCE ont créé une micro-entreprise en 2021 et seuls 20 % ont fondé des sociétés (Source : Unédic) ;
- Pour près d’1 demandeur d’emploi sur 2 ayant créé une entreprise, le revenu mensuel de leur activité ne dépasse pas le niveau du Smic mensuel (Source : France Travail) ;
- 1 demandeur d’emploi sur 4 ayant créé une entreprise retire moins de 500 euros par mois de son activité (Source : France Travail).
Par conséquent, si elle impulse sans nul doute le passage à l’action, il semble toutefois légitime de se demander si l’ARCE ne serait finalement pas une simple voie de garage, visant avant tout à réduire les chiffres du chômage.
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ARCE et Sécurité économique et sociale : quelles différences ?
Contrairement à l’ARCE, qui se concentre sur un appui financier ponctuel et exclusif aux demandeurs d’emploi, la Sécurité Économique et Sociale (SES) propose de soutenir les entreprises via une approche inclusive, équitable et pérenne.
Le principe : extraire une partie de la richesse produite par les entreprises françaises, pour la redistribuer équitablement à l’ensemble des acteurs économiques.
Cette redistribution des richesses prendra la forme d’une allocation unique, fixe, mensuelle et inconditionnelle par emploi en équivalent temps plein. Cette dernière sera ainsi financée par les sociétés elles-mêmes, selon un pourcentage fixé à hauteur de leur chiffre d’affaires.
À la différence de l’ARCE qui est réservée aux allocataires de l’ARE, le projet de loi SES a vocation à bénéficier à l’ensemble des acteurs économiques, quels que soient leur secteur d’activité, leur statut juridique et leur taille : micro-entrepreneurs, startups, PME, ETI, grandes entreprises…
Ce dispositif aura pour effet :
- De soutenir la croissance des jeunes pousses de façon pérenne : grâce à ce mécanisme de solidarité inter-entreprises, les sociétés solides et bien établies contribueront davantage, ce qui permettra d’accompagner le développement des petites structures, des auto-entreprises et des start-ups ;
- De garantir à tous les créateurs d’entreprises et travailleurs indépendants une part de leurs revenus (quels que soient leur âge, leur statut, qu’ils soient ou non d’anciens salariés…) et indépendamment des fluctuations de leur activité ;
- De faciliter les embauches : les entrepreneurs pourront plus facilement couvrir leurs besoins de main-d’œuvre nécessaires à la croissance de leur entreprise, car une allocation fixe pour chaque emploi en ETP leur sera garantie, ce qui réduira leur masse salariale ;
- D’encourager l’investissement : plus une entreprise investit, plus elle sera bénéficiaire nette de la SES et soutenue dans ces investissements. En effet, tout achat lié à un investissement vient en déduction des FTA (flux de trésorerie de l’activité) sur lesquels est calculée la contribution à la SES. Les jeunes entrepreneurs pourront ainsi développer plus sereinement leur société, et seront moins dépendants des aides publiques ou des prêts bancaires.
Par ailleurs, rappelons qu’1 Français sur 4 envisage de créer ou de reprendre un jour une entreprise (chez les jeunes de 25 à 34 ans, ce chiffre monte à 49 %). Or, 25 % d’entre eux n’osent pas se lancer à cause de la peur d’engager des fonds personnels (Source : étude d’Opinion Way 2023).
En contribuant à lever ces freins financiers, le projet de loi SES peut ainsi permettre aux aspirants entrepreneurs de concrétiser leur rêve, démocratisant ainsi l’accès à l’entrepreneuriat à l’ensemble de la population active.
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Photo : https://www.pexels.com/fr-fr/@fauxels/