Accueil » Au-delà des territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD)

par | 5 avril 2024

Au-delà des territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD)

separateur

Née en 2016, l’expérience des Territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD) a réussi à montrer en quoi le subventionnement de l’emploi permet d’envisager la résorption du chômage de longue durée en France. Les initiateurs de cette expérience souhaitent la généraliser à l’ensemble du territoire national. Quelles seraient les complémentarités possibles de cette expérience avec la Sécurité économique et sociale ?

L’objectif de l’expérience des Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée (TZCLD) est d’éliminer le nombre de chômeurs de longue durée en travaillant sur une base territoriale. Initiée par une première loi en mars 2016, cette expérimentation s’est d’abord développée sur 10 territoires. Une seconde loi en novembre 2020 ouvre la porte à l’expérimentation sur 50 nouveaux territoires. Le mouvement plaide aujourd’hui pour une généralisation à la France entière[ref]Patrick Valentin, L’Assurance-emploi, Chronique sociale, 2021.[/ref].

Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?

Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.

Besoin de savoir ce que la loi SES va changer pour vous ?

Faites une simulation de ce que coûtera et rapportera la SES à votre entreprise en fonction de ses encaissements et de ses décaissements.

Les TZCLD, un dispositif territorial faisant appel au bénévolat

Le projet des Territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD) se fonde sur trois idées fortes : 

  1. Personne n’est inemployable ; 
  2. Ce n’est pas le travail qui manque ; 
  3. Ce n’est pas l’argent qui manque. 

Les deux premières idées viennent de la pratique de l’Insertion par l’activité économique (IAE). La dernière s’appuie sur diverses études qui montrent que le chômage de longue durée coûte 43 milliards d’euros aux budgets publics en dépenses sociales, manque à gagner, dépenses liées à l’emploi et autres coûts induits. Il s’agit donc d’activer les dépenses passives : il est préférable que les bénéficiaires réalisent des prestations utiles à la société, ce qui leur permet de retrouver confiance en eux-mêmes, quitte à subventionner chaque emploi à hauteur du coût que génère l’absence d’emploi pour les finances publiques.  

Une action ciblée sur un territoire

Le principe de base des TZCLD  consiste à agir sur la base d’un territoire donné dans lequel on se fixe l’objectif d’éradiquer totalement le chômage de longue durée et de favoriser le retour à l’emploi. 

Dans chaque territoire, deux structures sont mises en place : 

  1. Le comité local de l’emploi (CLE), qui regroupe des administrations, des entreprises et des bénévoles dont l’objectif est de recenser les besoins écologiques et sociaux non satisfaits, 
  2. Et une entreprise à but d’emploi (EBE) dont l’objectif est de recruter le maximum de chômeurs de longue durée présents sur le territoire. Ces EBE peuvent avoir n’importe quel statut juridique (SA, Sarl, Sas) avec des règles coopératives (Scop ou Scic) ou pas. 

L’EBE est conçue comme une structure pérenne qui doit répondre aux besoins économiques non satisfaits d’un territoire. De ce point de vue, les travailleurs employés le sont en contrat à durée indéterminée (CDI) payés au salaire minimum. Les EBE tentent d’inverser la logique classique d’une entreprise dans laquelle l’emploi est déterminé par l’activité au profit d’une approche dans laquelle l’emploi est l’objectif premier de l’entreprise à charge pour celle-ci de trouver les activités correspondantes.  

Au cœur du dispositif de TZCLD : la subvention

Ce système de lutte contre le chômage ne fonctionne que parce que l’État verse une subvention mensuelle pour tout emploi créé dans le cadre de l’EBE. Depuis octobre 2023, celle-ci est de 95 % du Smic brut (102 % auparavant). Dès lors, elle se trouve dans une situation exceptionnelle où elle peut offrir des prestations à des prix très bas et sans commune mesure avec ce que les autres entreprises peuvent proposer. Ceci pourrait potentiellement concurrencer des activités existantes et donc détruire des emplois, ce qui serait contradictoire avec l’objectif de l’expérience.

C’est la raison pour laquelle l’EBE a pour obligation de ne pas être en concurrence avec d’autres entreprises et de ne réaliser que des activités qui, sans cette subvention, ne pourraient exister. Il s’agit d’une contrainte posée au développement de cette expérience qui impose la présence d’acteurs tiers (notamment le CLE) pour déterminer si l’activité est en situation de non concurrence, ce qui peut être parfois difficile à démontrer et sujet à discussion.

S'abonner à la newsletter

S'abonner à la newsletter

La nécessaire prise en compte de l’équilibre budgétaire

La subvention des emplois se justifie en disant qu’elle ne fait que remplacer les aides publiques aux demandeurs d’emplois et qu’à ce titre, ça ne coûte pas plus cher à l’État. Les dépenses de l’État en faveur du soutien au secteur privé se sont multipliées ces trois dernières décennies et il ne s’agit plus désormais de remplacer des dépenses mais bien de désendetter l’État et de lui permettre de récupérer des marges de manœuvre budgétaires. Sans doute est-ce dans ce cadre qu’il faut comprendre la décision du gouvernement de réduire, depuis octobre 2023, la subvention accordée pour chaque emploi de 102 % du Smic à 95 %.

Encourager l’emploi : l’objectif commun

Le projet de Sécurité économique et sociale (SES) partage avec l’expérience des TZCLD une compréhension commune de l’emploi : le marché seul ne permet pas d’obtenir naturellement le plein emploi et ceci ne sera possible que si l’emploi est encouragé.

Dans le cas de TZCLD, celui-ci est aidé par une subvention de la part de l’État pour chaque emploi créé dans la seule EBE. Dans le cas de la SES, l’emploi est aidé par une allocation mensuelle fixe garantie pour chaque emploi dans quelque entreprise que ce soit, et financée par l’ensemble des entreprises grâce à une contribution sur les flux de trésorerie que leur activité a générés.

Les limites à l’éradication du chômage de longue durée

Ces deux projets ont chacun leurs limites :

  • Le principe d’une subvention de l’emploi aux seules EBE imposent que les activités de cette entreprise ne concurrencent pas des emplois existants. Ceci impose donc un questionnement obligatoire sur chacune de ces activités et le fait que celles-ci ne puissent être payées qu’au salaire minimum.
  • Le projet de SES est d’ordre macroéconomique et ignore de facto le nécessaire accompagnement des personnes longtemps éloignées de l’emploi, que TZCLD apporte.

Dans la perspective de création d’un véritable droit à l’emploi, il convient de remarquer :

  • qu’une généralisation de l’expérience des TZCLD sur l’ensemble des territoires suppose que toutes les collectivités locales souhaitent s’y engager et que l’on trouve des volontés prêtes à s’investir dans le projet. Quid des territoires pour lesquels ces conditions ne seront pas réunies ?
  • que la mise en place de la SES se fera probablement de façon progressive avec un montant d’allocation relativement faible afin d’en mesurer les premiers effets avant d’aller plus loin. Les effets positifs sur la réduction du chômage se feront sentir dès le premier jour sans que l’on puisse envisager d’atteindre le plein emploi immédiatement.

TZCLD & SES : vers une complémentarité

Une synergie entre les deux projets peut donc être pensée dans une optique de droit à l’emploi effectif :

  • Dans l’hypothèse où de nombreux territoires s’engageront dans cette démarche, il est possible que l’État rechigne à maintenir le paiement de 95 % du SMIC brut compte tenu des difficultés budgétaires actuelles. La mise en place de la SES bénéficiera à l’ensemble des entreprises, EBE comprises. De ce point de vue, la contribution de l’État aux EBE pourra baisser à mesure que l’allocation de la SES montera en puissance, ce qui favorisera la généralisation de TZCLD. Ceci revient à responsabiliser l’ensemble des entreprises privées à l’égard de l’emploi.
  • Un des objectifs de TZCLD est que les emplois proposés par l’EBE permettent aux personnes concernées de se réinsérer dans le monde de l’entreprise. Un emploi dans une EBE peut donc être vu comme un tremplin vers un emploi mieux rémunéré dans une entreprise classique.

La complémentarité entre une mesure macroéconomique, la SES, et l’approche territorialisée promue par TZCLD permettra de construire un droit à l’emploi véritable qui permettra de rompre avec les dégâts sociaux qu’ont générés plusieurs décennies de chômage de longue durée.

Soutenez l'association et ses idées

Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.

Soutenez l'association et ses idées

Vous souhaitez donner de l'impact et de la voix au projet de loi SES ? Découvrez comment nous aider, du simple coup de pousse à l'adhésion à l'association.

Photo de Husna Miskandar sur Unsplash

À propos de l'auteur / autrice

Ancien entrepreneur. Co-fondateur de la société Esker en 1985 qu’il a quitté au début des années 2000 au moment où elle employait déjà plus de 300 personnes. Cette expérience professionnelle lui a permis de comprendre la comptabilité et la finance qu’il associera ensuite à l’étude de la macro-économie. Cette triple compétence lui a permis de développer les tutoriels du site www.economie.org. Auteur de Travailler autrement : les coopératives aux Éditions du Détour (2017) et de Au-delà de la propriété, Pour une économie des communs à La Découverte (2018), il a poursuivi sa réflexion dans le cadre de l'élaboration de la Sécurité économique et sociale.

Articles de la même catégorie

Adhérer ADHÉRER
Newsletter NEWSLETTER